Polar/thriller

NOTRE PART DE NUIT,Mariana Enriquez, éditions du Sous Sol

Un père et son fils traversent l’Argentine par la route, comme en fuite. Où vont-ils ? À qui cherchent-ils à échapper ? Le petit garçon s’appelle Gaspar. Sa mère a disparu dans des circonstances étranges. Comme son père, Gaspar a hérité d’un terrible don : il est destiné à devenir médium pour le compte d’une mystérieuse société secrète qui entre en contact avec les Ténèbres pour percer les mystères de la vie éternelle.Alternant les points de vue, les lieux et les époques, leur périple nous conduit de la dictature militaire argentine des années 1980 au Londres psychédélique des années 1970, d’une évocation du sida à David Bowie, de monstres effrayants en sacrifices humains. Authentique épopée à travers le temps et le monde, où l’Histoire et le fantastique se conjuguent dans une même poésie de l’horreur et du gothique, Notre part de nuit est un grand livre, d’une puissance, d’un souffle et d’une originalité renversants. Mariana Enriquez repousse les limites du roman et impose sa voix magistrale, quelque part entre Silvina Ocampo, Cormac McCarthy et Stephen King.

« Mais très vite il se rendit compte que Gaspar percevait la même présence que lui, même si la différence entre eux était radicale : Gaspar ne cherchait pas à l’éviter, et allait au contraire à sa rencontre, attiré, alors que Juan était tellement habitué à ce phénomène qu’il l’ignorait. La présence qui se cachait au bout du couloir était effrayée et non dangereuse, mais elle était vieille et, comme tout ce qui était très vieux, vorace, malheureuse et envieuse. »

Après dix soirées accompagnée de Notre part de nuit voilà qu’en le refermant à l’instant, je préfère vous donner un ressenti à chaud, plutôt que de laisser ma chronique s’endormir dans mes brouillons WordPress. Et puis parce que je suis soufflée, subjuguée par ce roman, ça fait des mois et des mois que ça ne m’est pas arrivé. De la première à la dernière page, j’ai été envoûtée par cette histoire aux multiples sujets et ces nombreux personnages. Autant vous le dire tout de suite, Notre part de nuit fait partie de ces œuvres impossibles a résumer, on m’a demandé d’en parler en deux mots, impossible tant j’ai peur d’être maladroite, je ne serai pas à la hauteur de la fluidité dont a usée Mariana Enriquez pour nous raconter ces ténèbres, le visible et l’invisible, mêlés à l’Histoire de l’Argentine, où se déroule la vie de Juan et de Gaspar. Cette fresque familiale s’étend des années 60 aux années 90, sans être dans l’ordre chronologique, jamais on ne se lasse de cette histoire, chaque partie est différente, même s’il faut accepter que certaines choses puissent nous échapper parmi ses mystères et ses ténèbres.

Mariana Enriquez d’une plume tantôt poétique, tantôt macabre, possède un souffle incroyable, unique, une voix naturelle qui ne cherche jamais à effrayer son lecteur, ni par son côté gothique ni par la présence de la médiumnité. Elle a été comparée à ses références littéraires tels que Cormac McCarthy et Stephen King, personne n’a encore parlé de Carlos Ruiz Zafón, alors que dans une certaine mesure, en tant que lectrice j’y ai retrouvé l’atmosphère ténébreuse, la sérénité auprès de personnages profonds, denses et bouleversants, même si on est loin de la tendresse de Zafón. J’ai lu et relu quelques dialogues (parfois douloureux c’est vrai), entre Gaspar et Juan, des réflexions profondes sur l’amour filial, la mort, et la peur.

« Les parents ne devraient pas exister. Nous devrions tous être orphelins, grandir seuls, il suffirait que quelque nous apprenne à cuisiner, et à nous laver quand on est petits et basta. »

Il est évident que je vais avoir oublié d’évoquer certaines sujets qui font écho tant ce roman est dense, et qu’il est extrêmement passionnant.

Mariana Enriquez signe ici un roman ambitieux, magnétique, comme on en lit très peu en France comme l’a si bien dit sa traductrice Anne Plantagenêt lors d’une rencontre littéraire VLEEL dont je vous mets le lien : https://youtu.be/s2phyhhIytA, ne ratez pas cet échange qui apporte une dimension supplémentaire à la lecture Notre part de nuit. Et à écouter Mariana Enriquez j’ai bien l’impression qu’elle ne se rend pas compte de la singularité de ses écrits, ni que ce soit ce qu’elle cherche à faire.

Je quitte difficilement une œuvre pour une autre d’ailleurs, puisque Ce que nous avons perdu dans le feu son premier livre traduit en France (un recueil de nouvelles) est en cours d’acheminement bien évidemment.

Notre part de nuit, Mariana Enriquez, éditions du Sous-Sol août 2020. Traduction Anne Plantagenêt.

Ce que nous avons perdu dans le feu est également disponible en poche.

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