INCLASSABLE et VERTIGINEUX.
Résumé
Au lendemain d’une fusillade à Naples, Matteo voit s’effondrer toute raison d’être. Son petit garçon est mort. Sa femme, Giuliana, disparaît. Lui-même s’enfonce dans la solitude et, nuit après nuit, à bord de son taxi vide, parcourt sans raison les rues de la ville.
Mais, un soir, il laisse monter en voiture une cliente étrange qui, pour paiement de sa course, lui offre à boire dans un minuscule café. Matteo y fera la connaissance du patron, Garibaldo, de l’impénitent curé don Mazerotti, et surtout du professeur Provolone, personnage haut en couleur, aussi érudit que sulfureux, qui tient d’étranges discours sur la réalité des Enfers. Et qui prétend qu’on peut y descendre…
Ceux qui meurent emmènent dans l’Au-Delà un peu de notre vie, et nous désespérons de la recouvrer, tant pour eux-mêmes que pour apaiser notre douleur. C’est dans la conscience de tous les deuils – les siens, les nôtres – que Laurent Gaudé oppose à la mort un des mythes les plus forts de l’histoire de l’humanité. Solaire et ténébreux, captivant et haletant, son nouveau roman nous emporte dans un « voyage » où le temps et le destin sont détournés par la volonté d’arracher un être au néant.
En ce moment, je ne laisse pas trop la chance aux romans, je les abandonne vite si je ne suis pas convaincue, attirée par quelque chose d’insondable entre les lignes. J’ai lu de très belles critiques sur La Porte des Enfers, le style singulier, lyrique de Laurent Gaudé relevé à chaque fois a fait mouche. Ouf ! Je n’allais certainement pas abandonner mon premier Laurent Gaudé ! Voilà ‘une histoire tragique qui bascule dans l’admirable et frôle le divin.
Il y a une comme une impression de lire deux romans aux tons distincts, au premier tiers, je cherchais à identifier le propos, j’étais sceptique, allais-je rester avec le désespoir et la désolation de Mattéo et Giuliana ? Comment Mattéo allait-il pouvoir tenir la promesse faite à sa femme, tuer celui qui leur a enlevé Pippo ? Pendant qu’elle, sème ses prières à L’Église, l’invoquant de lui rendre son enfant.
La construction est très intelligente, une alternance de voix et de temporalité, en 1980 on reste profondément ancré dans l’abattement et la désespérance, Matteo et Giuliana viennent de perdre leur fils dans une fusillade.
Ce passage déchirant est raconté avec pudeur, on ressent leur anéantissement, c’est à ce moment-là qu’il devient bien difficile de ne pas poursuivre la lecture. L’alternance avec 2002 vient justement contraster cette souffrance, puisque l’auteur nous offre la clé, et le cœur de l’intrigue ; la vengeance de Pippo émergeant des Enfers, reste à savoir comment il allait rendre la chose possible, cela me paraissait bien ambitieux, mais finalement les Portes de l’Enfer inspiré de celui de Dante et du mythe d’Orphée ne servent que de prétexte à Laurent Gaudé.
Alors effectivement, il faudra passer les premières pages pour comprendre et atteindre la dimension de cette histoire, attendre que Mattéo cesse ses errances nocturnes. Attendre qu’on lui souffle qu’il est possible de descendre dans cet Enfer, ces ténèbres, le roman bascule, bouscule, d’une écriture abrupte et pleine de colère, il déverse et déverse, un déferlement d’espoir et de désespoir, il nous donne et nous reprend. Laurent Gaudé se révèle, nous rappelle que le bonheur n’est qu’éphémère et fragile. Il y a une contrepartie, toujours.
« Si j’avais pu, si j’avais su, j’aurais donné ma vie » La perte d’un être cher nous change à jamais, c’est aussi une partie de nous qui disparaît, et nous façonne. La perte d’un enfant est d’autant plus terrible.
Avec cette écriture lumineuse, délicate, noire, évocatrice le roman aborde le deuil, l’amour filial, l’abandon, le renoncement et le sacrifice de Mattéo et de Giuliana.
Au delà des peines et des chagrins dont il est difficile de s’extirper, on ressent un sentiment d’apaisement indéfinissable que je ne saurais expliquer.
INCLASSABLE et VERTIGINEUX.
Extrait choisi :
Je vous maudis, tous. Car le monde est laid et c’est vous qui l’avez fait. Vous vous êtes pressés autour de moi, vous m’avez entourée de mots doux et de sollicitude mais je ne voulais rien de cela. Je maudis les employés de ce cimetière qui portaient le cercueil de mon fils avec soulagement, parce qu’au fond d’eux-mêmes, ils ne pouvaient s’empêcher de penser qu’il était bien léger et que c’était moins fatigant pour eux.
La Porte des Enfers,Laurent Gaudé, Editions Actes Sud 2008. 270 pages.
Un de mes préférés chez mon cher Gaudé !! ❣️
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C’était mon premier, je ne vais pas m’arrêter là 😉
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L’extrait.. Pfiou.. 🙄
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Et j’ai dû faire un choix ! J’ai relevé beaucoup de passages fulgurants, je l’ai emprunté en médiathèque, je vais l’acheter, il va atterrir sur l’étagère coup de cœur 😉
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